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Le portfolio - Hommes et machines - Tous les concurrents - Les tribulations d'un photographe dans le RHMC 2009.
12ème Rallye Historique de Monte-Carlo /
Les tribulations d'un photographe

Aussi disponible en version PDF téléchargeable (68 pages - 13Mo).
Avec les commentaires explicatifs d'une vingtaine de photos.
Cliquez ici pour télécharger le document.

Disponible également en version imprimée :
couverture de 270g sur papier vergé et pages intérieures 115g quadri
20 €, frais de port inclus.
A commander par mail


Depuis 2006, je couvre le rallye historique de Monte-Carlo. J’ai choisi de le faire sous un angle particulier puisque je pars avec les concurrents. Je les suis lors du parcours de concentration puis sur les épreuves de régularité (ZR) et évidemment je les photographie. Je prends aussi des notes pour écrire mes reportages.
L’exercice est moins simple qu’il n’y paraît puisque je pars d’un point de passage avec le dernier concurrent qui s’élance et j’essaye d’être au point de contrôle suivant avant le premier concurrent. Quand il y a peu de concurrents au départ, comme ce fut le cas à Oslo en 2007, avec 19 concurrents, l’exercice est relativement simple. Quand il y en a 127 au départ, comme cette année à Reims, c’est déjà presque mission impossible puisque les concurrents s’élançant de minute en minute, c’est 127 minutes qu’il faut rattraper. En général, les routes étant hivernales, glace, neige et brouillard rendent l’exercice parfois fort périlleux.
Sur les parcours de classement, ce sont les journées qui sont à rallonge puisque partir le matin avant le premier et arriver le soir avec le dernier impose des journées de plus de 15 heures de travail, le tout sur des routes qui sont toujours des d épartementales, voire parfois même des routes forestières.

Le kilométrage effectué est aussi élevé : parti en 2007 avec les concurrents d’Oslo, j’ai accompli 3550 km avec les concurrents scandinaves, plus 2882 km de parcours de liaison au départ de mon domicile, soit 6432 km en 11 jours exactement, dont seulement 1500 km n’ont pas été effectués dans des conditions hivernales.
Dans de telles conditions, l’exercice est aussi éprouvant pour l’homme que pour l’auto. C’est ce que raconte le présent propos. J’ai choisi de le faire car peu de photographes racontent l’envers du décor. François Beau l’a fait pour sa couverture du rallye Paris-Dakar 1982. Didier Lefévre l'a fait en 2003 sous forme de bandes dessinées et de photos entrelacées pour ses voyages en Afghanistan. Le reporter James Natchwey est peut-être celui qui s'est le plus penché sur son métier. Il a écrit en 1985 un texte sur le sens de son travail de photographe de guerre : "Pourquoi photographier la guerre?". Le réalisateur suisse Christian Frei l’a suivi pendant deux ans sur les champs de bataille d’Indonésie, du Kosovo et de la Palestine signant un film spectaculaire, "War Photographer", nominé à l’Oscar du meilleur documentaire 2002, et diffusé sur Arte en 2004.
Coups de cœur, angoisses, problèmes de lumière ou de cadrage, fatigue, relation avec les autres, usure des freins, soucis divers, … c’est comme ça que cela se passe pour obtenir les photos que vous retrouvez dans vos diverses sources d'information. Et si la photo est parfois belle, son obtention est souvent laborieuse.

Beaucoup de personnes me demandent quel intérêt il peut y avoir à suivre les concurrents sur le parcours routier entre les ZR. La réponse est la suivante : ce rallye est réellement une épreuve humaine et mécanique (les autos ont entre 25 et 55 ans). La longueur de l’épreuve et la fatigue qui en découle font qu’il se passe toujours quelque chose quelque part. La quasi-totalité des photographes n’est présent que dans les ZR. Or les assistances, l’accueil du public (fort important) et les incidents se passent aussi entre les ZR.
Vivre aux côtés des concurrents, c’est aussi une façon de tisser des liens avec eux. Il n’y a pas de photo pour le montrer mais quand nous sommes partis d’Oslo en 2007, les concurrents scandinaves ne croyaient pas quand nous disions que nous allions les suivre. Personne ne l’avait jamais fait*. A Trollhattan, 260 km plus au sud en Suède, ils ont commencé à nous croire. Plusieurs centaines de kilomètres plus tard, sur le ferry qui nous menait au Danemark, tous étaient déjà devenus plus que des copains. Pour capter une ambiance, recueillir des confidences, saisir des émotions, la recette avait été trouvée ! Maintenant, il est vrai que le faire de cette façon, c'est réellement très fatiguant, voire éprouvant. Cédric Marcadier, Thierry Martin et Arnaud Fougères qui m'ont accompagné en 2007 et 2008 peuvent en attester. Le premier nommé est pourtant déjà repartant pour l'éditon 2010.

* Sauf erreur, pour trouver une équipe journalistique au départ d’un ville-départ de ce rallye, il semble qu’il faille remonter en 1973 quand l’Auto-Journal avait choisi d’envoyer deux reporters pour suivre les Porsche officielles au départ de Varsovie et deux autres pour suivre la course des berlinettes Alpine au départ de Marrakech.

En 2006, je suis donc parti pour la première fois de Reims. En 2007, j’avais choisi Oslo en Norvège. Pour l’occasion, deux autres photographes m’avaient accompagné. J’avais appris de l’édition 2006 que couvrir de cette façon et seul l’évènement était quasi impossible.
En 2008, je m’élançais de Copenhague avec les concurrents scandinaves et toujours en compagnie d’un autre photographe. Enseignement tiré des deux reportages précédents : j’avais choisi de reconnaître une partie du parcours des épreuves de classement afin de préparer les prises de vues.
En 2009, il était prévu que je m’élance de Turin ou d’Oslo, toujours avec des reconnaissances préalables, mais des évènements familiaux contraires ont mis à mal le projet et je suis finalement parti, seul, de Reims, … à peine remis d’une bronchite asthmatique et victime d’une gastroentérite. Je savais que l’exercice allait être compliqué : j’ai été servi !

Vendredi 30 janvier, premier jour.

Je pars de chez moi à 06h35, direction Reims à une soixantaine de kilomètres. Les premiers contrôles débutent à 08h00 mais j’ai préféré prendre de l’avance. La vitesse est limitée, il y a pas mal de trafic entrant dans Reims le matin et j’ai horreur d’arriver pile à l’heure pour mes reportages. Victime d’une gastroentérite tenace depuis la veille, j’évite aussi soigneusement de prendre de la vitesse ou d’être trop talonné pour pouvoir m’arrêter de façon inopinée. Il gèle avec -3,5° au thermomètre. Aucune neige n'est annoncée aux informations météo ... à mon grand regret.
J’arrive au Parc des Expositions à 07h50, gigantesque bâtiment moderne, vide et froid. J’ai de plus en plus mal au ventre et presque difficulté à tenir debout. Cela promet puisque les contrôles techniques se déroulent jusqu’à 16h00.
Les contrôles techniques ne sont pas ce qui se fait mieux question arrière-plan. Difficile d’être créatif ! D’emblée les ennuis techniques commencent avec mon plus récent flash Canon 580 EX II qui refuse de fonctionner dès 08h10. Si je n’ai plus qu’un flash pour travailler quatre jours durant, il va falloir croiser les doigts!
Mon fils Thomas m’a adressé un SMS : « Bonne chance ». A priori ce n’est pas encore la matinée à la chance avec ce flash récalcitrant. Encore une fois se vérifie la précaution élémentaire de tout avoir en double.


Je ne le sais pas encore mais cette splendide Lancia Stratos abandonnera à la fin du parcours de concentration.
Elle n'apparaîtra donc pas sur les photos diffusées lors de cette 12ème édition du rallye.
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A 09h00, je récupère mon accréditation officielle de l’ACM avec la plaque pour l’auto, bleue sombre cette année. J’avais reçu une demi-heure avant une accréditation made by Reims, par la mairie. Je me demande à quoi peut bien servir ce dernier sésame dans la mesure où la halle est ouverte au grand public et que, là où va le public vont les journalistes. C’est d’ailleurs marrant comme les correspondants locaux arborent fièrement leur petit badge rémois alors que je prends un soin particulier à ne pas laisser pendre ma carte de l’ACM, d’autant qu’un morceau de carton qui pend, c’est la possibilité d’être embêté quand il faut saisir l’appareil photo, voire la possibilité de le perdre s’il s’accroche quelque part.
J’aimerai bien avoir une photo d’un gamin avec un petit compact en train de photographier une Mini. Il y en a plusieurs au départ de Reims, ça multiplie les chances.

A 10h00, je possède quelques photos qui me semblent correctes mais un mal de ventre tenace altère mes capacités à être serein. A ce rythme, je vais avoir un record : celui de la plus grande fréquentation des uniques toilettes du hall ! Par contre, pour la photo du gamin et de la Mini, c'est chou blanc : il n'y a que des adultes le matin, et pour cause puisque les enfants sont à l'école.
Je croise une tête connue, un mécanicien du Gravity Racing International. Il assiste la voiture de Loris de Sordi, le boss de GRI que je croise souvent en Belgian GT où le team engage des Mosler. Il roule sur une Opel Kadett GTE, une auto achetée à Turin mais pas au top aux dires du mécano. Ce seront les seules têtes connues que je croiserai dans la journée, avec Marc Duez et Jean-Pierre Van de Vauwer, deux autres pilotes belges qui ont couru en Belgian Touring Car Series.

A 11h00, je vais m’asseoir un peu dans l’auto. J’ai trop mal au ventre et mes jambes ne me portent plus. J’essaye d’avaler deux tranches de pain d’épices. La voiture est stationnée en plein soleil : cela me réchauffe un peu car il fait -5° dehors. J’ai vérifié mes photos. J’en ai gardé une petite centaine dont une dizaine pourront aller dans le portfolio. Je n’ai pas perdu ma matinée heureusement.
A midi cinq, je repars au boulot. Le soleil m’a requinqué mais la gastro est tenace. L’astre est bien haut dans le ciel mais dans la halle qui abrite les opérations de l’Automobile Club de Monaco (ACM), le soleil –qui passe par les vasistas–, crée un grand nombre de reflets perturbateurs sur les photos. J'avoue que je suis incapable de m'en sortir positivement.
Plusieurs écoliers accompagnent les parents mais ce sont les parents qui ont les APN ! Impossible encore de cadrer un gamin avec une Mini.


La seule photo où le soleil qui coule des vasistas puisse être d'une certaine utilité ... retour haut de page

Peu avant 14h00, je repasse par les toilettes avec des jambes qui ne me portent plus. Pour gagner du temps et de l’aisance dans les hôtels, tout mon matériel photo a été placé dans un seul sac à dos et toutes mes autres affaires (vêtements de rechange, disque dur de sauvegarde et chargeurs de batterie) dans un seul sac. Avec deux flash, deux appareils, un 300 mm, un 70-300 et plusieurs autres objectifs, mon sac à dos est donc très très lourd.
J’ai pu, à force de fouiner, trouver trois ou quatre autres cadrages intéressants. Je reconnais que je suis si exigeant que je finis par me compliquer la vie. Ce ne sont tout de même que des autos de course ! Je ne peux pas sortir 127 photos au top et différentes sous prétexte qu’il y a 127 concurrents au départ, d’autant que mon travail est essentiellement orienté « reportage ».

A 14h50, je retourne m’asseoir quelques minutes dans l'auto, au soleil, pour me reposer les jambes. Je me demande si c’est une si bonne idée que cela que d’avoir voulu ne prendre qu’un sac pour tout le matériel photo. Si je souffre déjà, qu’est ce que ça va être en ZR durant près de six heures, les pieds dans la neige ?

En prévision de la froideur nocturne, j’enfile une seconde paire de chaussettes. J’ai testé au début du mois de janvier, lors d’une marche par des températures jusqu’à -13,5°, que deux paires de chaussettes l’une sur l’autre m’avaient parfaitement protégé. J'applique l'enseignement avant que le froid ne se fasse réellement sentir.
J’ai encore une ou deux photos que je trouve sympa. Je n’ai donc pas perdu ma journée.
J’avale une autre tranche de pain d’épices pour éviter le coup de barre –une nuit blanche est programmée– et je bois beaucoup d'eau à cause de la gastroentérite.
Je remarque que presque tous les concurrents ont chaussé des pneus neige ou cloutés. On n’annonce pourtant pas de neige aux bulletins météorologiques. Que dois-je faire ? Cette année, je suis parti avec quatre jantes chaussées de pneus neige de bonne qualité, des Gislaved, et un cric hydraulique pour opérer un changement rapide. Je choisis d’attendre. Il me reste encore quatre bonnes heures pour changer d’avis.

14h40. Je tourne et retourne parmi les 127 autos parquées dans ce hall immense. Il y a beaucoup de monde. Autant qu’à midi. Impossible de faire des photos à moins de vouloir faire des photos de foule.
Je traque désespérément un petit détail intéressant à shooter : une dédicace sur le capot de la Peugeot 504 Ti #117, une sangle en cuir sur le capot de la Jaguar XK140 #298 venue de Lituanie, un protège phare en plexiglas sur la Mini anglaise #328, un coffre un peu plus bondé que les autres sur la Triumph Spitfire #270, un petit geste de dernière minute sur la Porsche #224 …
Je recherche aussi quelques reflets intéressants, mais là, rien de bien. Il y a des reflets, certes, mais de ces reflets de lumière qui gâchent toute photo.


Rien oublié ? Dernière vérification de Gaye Sjoberg avant de fermer le coffre de la Spitfire #270. retour haut de page

On annonce qu’à partir de 15h30, les autos vont partir en convoi pour le centre-ville et le regroupement avant départ à la Mairie. Je juge qu’il n’y a rien de plus à tirer de cet endroit sur le plan photographique et je décide de me rendre en ville afin de trouver un point intéressant pour photographier les autos. Car pour être passé en 2006 place de l’Hôtel de Ville, je sais qu’il n’y a rien de transcendant à faire lors du départ.
Je m’enquiers de l’itinéraire emprunté. Mon interlocuteur m’indique le chemin officiel mais il ne connaît pas celui de remplacement en cas d’embouteillage. Je lui demande s’il y a un pont sur le chemin. La réponse est non. Je pars immédiatement pour avoir le temps de repérer les lieux. J’ai obtenu le nom d’un endroit, une place en centre-ville, la place Cérès.
Impossible de trouver cette place sur un plan, et pour cause, elle n’existe pas. La police me renseigne. C’est la place Aristide Briand dont parlait mon interlocuteur. Place circulaire avec un défaut majeur : elle n’est que partiellement éclairée par le soleil. L’opposition ombre/lumière est particulièrement forte. Pas génial. Bon, il faut faire avec car je n’ai rien vu d’autre sur le parcours pour avoir une photo des voitures qui traversent la ville. Et comme le départ réel est donné à partir de 19h30, je ne peux rien espérer de bien joli quand la nuit sera tombée.

A 15h02, je suis donc en poste place Aristide Briand. Je ne suis pas satisfait, notamment des arrières plans … Cela ne va pas être simple de revenir avec un souvenir correct, à moins de reprendre le travail sous Photoshop car le ciel est d’un bleu estival.
Le temps passe. Déjà une demi-heure d’attente. Un autre photographe s'installe sur la place, avec un gilet à l'inscription bien voyante "Presse FFSA". Déjà que planté au milieu de la place, j’ai l’impression que l’on ne passe pas franchement inaperçus, là, avec le gilet, ça claque encore plus. Je me vois mal porter ce genre de vêtement à cet endroit.
Il vient s'enquérir si sa position me gène dans mes prises de vues. C'est sympathique comme démarche parce que c'est très rare. Je regrette trop souvent de voir débarquer des gars qui se plantent juste devant vous, bien souvent juste parce qu'ils ne font pas attention. Nous discutons un peu.

16h01. L’horaire n’est pas très respecté. Il m’avait été dit que le premier convoi de 40 autos partirait à 15h20. En quarante minutes, le soleil s’est bien déplacé et l’endroit intéressant est bien éclairé. Mais il faudrait que les concurrents arrivent vite car le soleil tourne très vite. Par contre le monument au centre de la place est en plein ombre. Il sera impossible de faire une photo correcte.
A 16h20 arrivent les premiers concurrents. Ayant choisi un point de vue général de la place, je n’obtiens rien de bien en prenant les concurrents de face, d’autant que le motard qui ouvre la route se plante juste dans mon axe de visée. Pour le reste, c’est juste histoire de dire que j’ai gardé un souvenir du passage des premières autos sur cette place.
Le soleil descend vite, le froid se fait sentir, je préfère enfiler dare-dare les gants. Pas facile alors d’écrire !

16h50. Je décide d’aller à l’Hôtel de Ville où sont parquées les autos. J’essaye de trouver un point en hauteur, toujours avec pour objectif d’avoir une vue d’ensemble car je ne vois pas trop ce que je pourrais faire au niveau des pavés. Je profite d’une annexe de la mairie déjà abandonnée par les employés municipaux. Personne ne me demande rien quand je monte dans les étages, et pour cause, il n’y a personne. J'en profite pour un passage aux toilettes, mon problème de la veille ne semblant nullement vouloir s'estomper malgré la multiplication des remèdes.
Je trouve une fenêtre qui s’ouvre sur la place derrière l’Hôtel de Ville où est parquée une cinquantaine d’autos. Murs sombres, pavés gris, barrières omniprésentes … il me faudrait un ultra grand angle que je n’ai pas. Mon 17mm ne me permet que de réaliser une photo d’une banale platitude.
Le hasard m’a conduit au service communication de la Ville de Reims. Je discute avec un photographe présent derrière son écran. C’est un ex-AFP, d’à peu près mon âge. Nous parlons métier, problématique, prix, éthique, comportement des gens qui nous commandent les photos. C’est comme moi un passionné de la photo de sport mais comme moi, il doit répondre à la demande d’un directeur de com’ qui ne connaît rien à la photo et qui pense que la photo c’est simple parce qu’il s’est acheté un compact numérique qui fait des photos en mode automatique.

J’en ressors à 17h30. La pénombre s’est installée. Les curieux ont afflué. Je ne vois pas trop bien ce que je pourrais shooter de plus. Je prends en photo la GS #141 et la Ford Capri #245, des voitures peu typiques du Monte-Carlo. Les concurrents de la Volvo #273 travaillent sur l’éclairage de l’auto. Photo d’ambiance banale.
Trois jeunes femmes très BCBG munies de petits compacts essayent de photographier la Jaguar lituanienne. Génial ça comme photo ! Une auto hors de prix venue du fin fond des pays de l’Est, trois personnes bien habillées de noir (quand tout le reste du public est engoncé dans de chauds et tristes vêtements hivernaux), avec des APN tout argent, un éclairage correct, des pavés parterre, voilà les ingrédients d'une photo d’illustration qui sera parfaite. Seulement voilà, pour que la photo soit réussie, il faut aussi que le petit génie malin veuille bien sortir de sa boîte… Et comme il fait froid, il reste bien au fond de sa boite. Impossible de cadrer comme il faut à cause de la foule ! L’obscurité m’oblige à utiliser le flash qui crame tout. Et puis au premier coup de flash, l’ambiance est cassée, les jeunes femmes m’ont vu, et évidemment avec deux gros boîtiers autour du cou, elles se doutent bien que j’ai une tête «d’officiel». Alors elles prennent la pose, mais sans leurs APN. Tout ce que je ne souhaite pas ! Je fais mine de me détourner pour qu’elles redeviennent naturelles mais elles partent vers une autre auto. J’essaye alors de cadrer différemment, au niveau du sol, avec l’auto en arrière-plan, en pose longue (1/5e de seconde à 800 ISO) pour ne pas utiliser le flash, avec leurs chaussures au premier plan (deux sont en jupe longue) et les phares longue portée d’une Mini en arrière-plan. Ma position au ras du sol attire les remarques d’autres badauds. Je laisse tomber le plan.
Evidemment, j’aurai pu aborder les trois miss, leur demander de prendre la pose face à la Jaguar XK120 et avec leurs APN, mais ça, je ne sais pas faire … Je ne fais jamais poser mes sujets, j’ai une règle que j’applique scrupuleusement : je ne photographie que ce que je vois et non ce que je souhaite voir. Tant pis, je n’ai pas la seule photo qui aurait pu être sympa … si j’avais su capter cette composition.
Pas non plus de gamin avec un APN comme je l’ai cherché le matin au Parc des Expositions. Il y a bien une multitude de gamin, mais je veux aussi une ambiance, des couleurs, un arrière-plan. Et en ville, au milieu du public, tous les photographes savent qu’on ne choisit pas ses arrière-plans. Plutôt que d’avoir une photo banale que tout le monde aura, je préfère me passer de photo. retour haut de page

17h50, je retourne à l’auto pour boire un peu. J’ai mal compris l’explication d’un policier municipal et je marche dix minutes pour atteindre une boulangerie.
Je m’écroule un peu dans l’auto. Voilà déjà 13 heures que je suis debout et il reste 26 heures de travail. J’avale mon sandwich et quelques fruits secs (figues, abricots) et j’essaye de dormir quinze minutes.
Mon chargeur de batteries Canon refuse de rester connecté à l’allume-cigare. C’est un souci mineur mais dans cette épreuve où je passe cinq fois plus de temps dans la voiture qu’à l’hôtel, c’est en roulant que je recharge mes batteries. Et là, je n’en ai pas deux. Evidemment, c’est le truc que je n’ai pas en double qui reste trop vite en rade !

Le départ de Reims s’échelonne de 19h00 à un peu plus de 21h00. C’est de nuit, donc soit avec flash, soit en pose longue. Je passe par un café, toujours pour les toilettes (!) avant d’entamer le départ.
Un départ, c’est toujours un départ, avec un podium, des tas de gens, et des photographes dont certains ont le chic pour se planter devant vous sans même s’excuser. Nous ne sommes pas très nombreux, mais même à dix, on arrive à se marcher sur les pieds ! Enfin, c’est comme la pâte à crêpes, il suffit de deux grumeaux pour que la crêpe soit ratée. Eh bien là, il suffit de deux égoïstes sur dix pour que huit râlent.


Cette photo d'Olivier Schneider montre bien, quoique nous ne soyons pas nombreux,
qu'il est difficile de ne pas nous gêner (la flèche blanche à gauche indique où je me situe).On remarquera à droite
trois personnes avec les mains dans les poches et qui gênent les spectateurs qui souhaitent photographier. retour haut de page

Et voici la photo obtenue (oui, c'est bêtement banal comme photo, je l'avoue) :

A ce départ, ce qui est intéressant, c’est le bâtiment en arrière-plan, l’Hôtel de Ville de Reims, vieille bâtisse du 17e siècle dont le frontispice est allumé en violet alors que le reste du bâtiment est de couleur jaune claire. L’intérêt serait d’avoir une voiture au premier plan, si possible sympa tant dans sa forme que dans ses couleurs, le panneau « Départ » au dessus et la façade de l’Hôtel de Ville. Déjà, avec un 17 mm, c’est difficile. Mais c’est sans compter avec les autres photographes. Il y en a toujours un dans le champ ! A l’image de cette photo ci-après. Vingt-cinq voitures durant, il a shooté de la même façon. Après? Je ne sais pas. Je suis parti. retour haut de page

Cent vingt sept voitures à partir, une toute les minutes, c’est long. Hors de question d’avoir la même photo, j’essaye donc de trouver d’autres plans. Je laisse vite tomber l’idée du pied pour des pauses très longues (plus de 5 sec.), tout bouge sans cesse. Je me contente de photographies à mainlevée au 1/5e ou au 1/8e de seconde. C'est d'ailleurs sans flash et au 1/8e que je finis par avoir une photo qui me plaît.
Ensuite, je varie les plans, les angles. Une photo avec la banderole Reims au premier plan, une autre avec des spectateurs, un plan serré, une avec le panneau de zone de pointage, une photo de ¾ arrière, une avec l’intégralité de l’Hôtel de Ville, … Comme à chaque fois, je suis déçu des photos avec le flash qui figent les autos, même au 1/10e.
A la cinquantième auto, un tiers des photographes a disparu. Comme partout, les derniers concurrents sont les délaissés. J’essaye des filés. Les arrières plans très peu éclairés ne se prêtent pas à l’exercice.
Avec ou sans flash, sur le premier ou sur le second rideau, je ne suis pas satisfait du résultat. C’est assurément un domaine où je dois encore sérieusement progresser.


Au 17 mm, au 1/6e à ISO 100, le flash fige tout ... retour haut de page

A 19h45, Madame la Mairesse de Reims, qui officiait au drapeau républicain en donnant le départ, a disparu. Encore une fois, les derniers concurrents ne sont pas lotis à la même enseigne.
Je fais le tour des concurrents qui finissent de se préparer, toujours à la recherche d’un autre cadrage, d’une ambiance, d’un détail. Karine Hot, copilote de l’Opel Kadett GTE #206, est concentrée sur son road book et les 270 km qui devront être parcourus en 6h45. Evidemment, photographier à travers la vitre nécessite de solutionner le problème du reflet du flash sur le carreau. La copilote est si concentrée qu’elle ne prête même pas attention au flash. Et zou ! Une photo d’ambiance que je n’avais pas encore.

Le pilote de la Lancia Flavia #213 qui nettoie son rétroviseur intérieur, un réglage de phare sur la Volvo 122 #304 ou la Ford Fairlane côte à côte avec une des deux Citroën SM au départ sont autant de clichés souvenirs. S’engager au RHMC avec une de ces deux dernières autos représente un sacré challenge compte tenu de certaines routes utilisées.
Au soixantième départ, il n’y a plus que deux photographes au pied du podium… Moi-même, ne trouvant plus d’idée pour une autre photo, je décide de m’éloigner un peu. Sans flash et au 1/10e de seconde, j’obtiens enfin une photo agréable de l’ensemble de l’Hôtel de Ville, avec des spectateurs au premier plan, le podium et une auto qui s’élance.
J’entends au loin, dans une zone désertée, des gens qui crient. A 250 mètres, à l’écart du reste de la foule, une demi-douzaine d’enfants jugés sur des barrières et leurs parents encouragent avec force vocifération chacune des voitures qui passent. Je cadre, je shoote au 1/10e au passage de la Kadett #206 qui passe et … miracle : ça fonctionne. Une photo sympa. Bon, ça va, je ne regrette pas d’avoir suivi ces cris.
Il est 20h15, je ne vois plus bien ce que je pourrais faire autour de l’Hôtel de Ville et je décide de rejoindre ma voiture et m’élancer pour un parcours de 1046,43 km que chaque concurrent doit accomplir en 21h42. Le plus dur commence …

20h30 : J'entame à mon tour une nuit entièrement consacrée à la conduite, non sans avoir encore dû passer par la case "toilettes".
A 500 mètres du départ, une petite trentaine de spectateurs s’est rassemblée à un feu rouge pour encourager les concurrents. L’occasion d’une autre photo. Les spectateurs amassés comme ça au bord de la route, même en pleine nuit, même parfois au bord d’un rond-point en pleine campagne, c’est typique du Monte-Carlo historique. Ce rallye remporte un franc succès, même auprès des plus jeunes.

Le premier concurrent s’étant déjà élancé depuis plus de 90 minutes, il n’est plus question pour moi de le rattraper en prenant le même itinéraire, soit 270 km. Les routes sont sèches, à peine froides (-1°) et les concurrents roulent assez vite. Je décide donc de prendre le chemin le plus cours pour rejoindre Langres avant 00h45, date du contrôle horaire du premier concurrent.
Le chemin le plus court, c’est pour moi l’autoroute, soit 232 km que je dois accomplir en un peu moins de 02h10. Evidemment, tout cela, je l’ai déterminé bien avant de partir. Dès fin décembre, j’achète les dernières cartes, je regarde le chemin officiel et je planifie, calculette et montre en main, par où je dois passer, allant jusqu’à calculer des itinéraires de déviation en cas de difficulté de tout ordre (intempéries, accident, travaux, etc.). J’ai donc aussi mon propre road book me permettant de tracer ma route sans trop de soucis. En ce qui concerne les étapes de classement, communes et finales, j’ai même toutes les cartes d’état-major au 1/25.000e me permettant de répondre en permanence à toutes les problématiques de la route.
Et pourquoi pas un GPS ? Tout simplement parce qu’à ce jour, le GPS ne donne pas la physionomie globale d’une route comme le fait une carte d’état-major. Une carte (quand on sait la lire), c’est riche d’une multitude de détails. Avec l’orientation au nord, vous savez immédiatement si la route a des chances d’être verglacée, à quels endroits, s’il y a des lacets, si elle est en montée, en descente, etc. Utile quand il faut rouler vite, de nuit et dans le brouillard !
Ensuite, les concurrents n’ont pas le droit aux aides électroniques. Passionné d’auto et de course auto, ayant moi-même disputé le rallye de Monte-Carlo du temps où les amateurs pouvaient s’engager sans se ruiner dans une épreuve de niveau mondial, je trouve plus intéressant de le faire dans les mêmes conditions que les concurrents, c’est-à-dire sans électronique. Bien sûr, ça met parfois un peu la pression. En 2008, une erreur de navigation dans la banlieue de Copenhague nous avait fait craindre le pire puisque nous avions failli manquer le dernier ferry avant la tempête. Nous n’avions dû notre salut qu’à une conduite très rapide sur les derniers kilomètres nous menant au ferry, avec l’angoisse du radar caché puisque je roulais à 160 km/h au lieu des 120 prescrits. Et un excès de vitesse au Danemark, ça coûte très très cher ! Sans compter les bourrasques de vent qui bousculaient ma frêle Opel Corsa.
En 2006 encore, sans la carte d'état-major qui m'avait permis d'éviter les interdictions préfectorales, je ne serai jamais arrivé à l'heure à Saint-Etienne, une année où les conditions de neige avaient condamné la quasi totalité des concurrents partis de Barcelone à être mis hors course avant même d'avoir terminé le parcours de concentration ! Sauf un équipage, mieux préparé, qui avait su se frayer un chemin jusqu'au terme de son parcours et ce malgré les barrages de la gendarmerie.
Tout ce travail préparatoire a évidemment un coût. Financier d’abord avec l’achat des cartes. En temps ensuite. La préparation du rallye 2009 au départ de Reims a nécessité environ une douzaine d’heures de travail. En 2008, les reconnaissances photographiques sur le terrain en Ardéche et dans le Vercors ont duré deux jours. Partir d’Oslo en 2007 avait demandé plus de 24 heures de préparation. En cette période de crise de la presse écrite (et ce depuis déjà de longues années), cela explique que peu de rédactions soient enclines à financer de tels reportages.

Pour gagner du temps, j’utilise le pass Liber-T, un petit boîtier sous le pare-soleil qui permet de passer au péage, parfois même sans marquer d’arrêt à certaines barrières. Et c’est débité en fin de mois sur mon compte. Très pratique donc. Sauf quand ça ne fonctionne pas. Et ce vendredi à 20h47, mon boîtier Liber-T refuse d’ouvrir la barrière. Qu’à cela ne tienne, j’en ai un second. Qui ne fonctionne pas plus. Zut, je suis tombé sur la mauvaise barrière ! Cela ne se fait pas, mais je le fait quand même : warning + marche arrière pour m’engager dans la piste contiguë. Mais ça ne marche pas mieux. J’appuie sur le l’interphone : l’opératrice me dit que mon boîtier n’est pas à jour. Mais elle ne sait pas me dire pourquoi. Idem pour mon second boîtier. Ah ? Et je fais quoi maintenant ?
Il faut parfois savoir vite se décider, c’est le cas à ce moment. Pour moi, suiveur du RHMC, le budget péages est un poste important, de plusieurs centaines d’euros. Le système Liber-T offre l’avantage d’un paiement différé sans incidence sur le plafond d’utilisation de ma carte bancaire. Or il se trouve qu’au mois de janvier, j’ai énormément utilisé ma carte bancaire. Je choisis donc d’abandonner l’autoroute pour ne pas avoir à gérer un plafond d’utilisation de ma Mastercard. Par chance, la barrière de péage de Taisy sur l’A4 permet de faire demi-tour et je peux repartir immédiatement dans l’autre sens.
L’autoroute devant être abandonnée, deux options s’offrent encore à moi : la route la plus courte vers Langres, par Saint-Dizier et Chaumont, ou la route des concurrents. Au sortir de l’A4, croisant la route des concurrents et voyant passer une auto du rallye, je choisis de suivre cette dernière, une Simca Rallye II. Sur le parcours routier, quand il fait sec comme cette nuit, les concurrents ne respectent pas vraiment les limitations de vitesse. C’est le cas de cette Rallye II. Le parcours étant particulièrement long et l’arrivée à Monaco n’étant pas prévue avant 21h00 le lendemain pour cette voiture, chaque minute grappillée sur la route est une minute de repos glanée avant le pointage à un contrôle horaire. Les feux arrière de la Rallye II ont donc vite fait de disparaître dans la nuit. Pourtant au premier rond-point venu, le concurrent s’engage dans la mauvaise direction. Cela peut prêter à sourire, mais non, ce n’est pas si simple que cela de tracer sa route, même avec en main un road book très détaillé ! Et les meilleurs se trompent aussi. Au départ, l’objectif de chaque concurrent est très simple : ne pas louper un contrôle de passage (CP) et être à l’heure, à une minute près à chaque contrôle horaire (CH). En 2008, ils ont ainsi été 60 à être pénalisés pour retard (ou avance) à un CH lors du parcours de concentration, soit 20% du plateau. Ils seront encore 40 lors de cette édition, sans oublier 6 concurrents qui seront pénalisés pour un CP manquant.
Quelques instants plus tard, je suis rattrapé, puis très vite dépassé par une Renault 8 Gordini. C’est embêtant pour moi, parce que, seul, j’ai tendance à suivre les concurrents pour tracer ma route. D’où le fait que je préfère amplement des conditions de route hivernale car la neige, le verglas, le brouillard ou la pluie nivellent les performances des autos. Une Simca 1000 Rallye 3 me laisse sur la route de la même façon que la Gordini. Seul dans Epernay, je me trompe une première fois, n’ayant pas vu un sens interdit en centre-ville (!). Puis je suis –à tort– une auto immatriculée dans les Alpes-Maritimes. Parce que pour moi, une auto immatriculée dans le 06 à Epernay en pleine nuit fin janvier, ça ne peut être qu’un suiveur d’un concurrent, d’autant que j’ai vu au départ de Reims une Fiat 124 Spider immatriculée 06. Car il faut vraiment avoir envie de se perdre dans cette région à cette époque … Mauvaise analyse : je me retrouve planté au cœur de la zone industrielle d’Epernay. Avant de me retrouver sur la bonne route, j’ai perdu au final 20 minutes. Il y a belle lurette que le dernier concurrent a dû passer.
22h00. La raison me renvoie donc vers mon road book, le chemin le plus court pour rejoindre Langres, avec un œil sur l’horizon pour déceler un éventuel radar, car là, maintenant, il n’est bien sûr plus question de respecter les limitations de vitesse, si je veux être à 00h45 pour le premier passage à Langres, 202 km plus à l’est.

Cette nuit est la plus chaude que je connaisse depuis que je suis cette épreuve. Il fait 0° degré seulement. Très au-dessus des -8° dans l'Aube en 2006, des -19° du côté de Göteborg en 2007 avec les concurrents scandinaves ou même les -7° à Vesoul en 2008. Cela me contrarie un peu : pas de neige à l'horizon dans ces conditions.
Je profite des longues lignes droites à travers l’Aube pour maintenir mon chargeur dans l’allume-cigare. Je ne sais pas si vous avez déjà essayé de conduire en tenant en permanence la main appuyée sur l’allume-cigare, mais c’est sport. Cela nécessite de changer de vitesse de la main gauche. Dans les virages, cela impose même d’utiliser le genou pour tenir le volant. Là, bien sûr, je suis content qu’il n’y ait pas de neige !

A 22h45, du côté de Saint-Dizier, la fatigue commence à me frapper. Il est sûr que les doses massives de médicaments ingurgitées depuis une semaine pour contrer une bronchite asthmatique puis la gastro-entérite ont particulièrement affaibli mon organisme. Cela m’inquiète un peu car je ne suis debout que depuis 17 heures et je n’ai parcouru que 240 km sur les plus de 1200 qui m’attendent d’ici le lendemain soir.
23h00. J’avale un autre sandwich à l’occasion d’une nouvelle pause imposée par mon estomac.
23h45. J’arrive à Chaumont. J’ai grosso modo 75 minutes de retard sur l’horaire que je m’étais fixé puisque je devrais être à Langres. Je ne pourrais donc pas me reposer. Aïe ! Il est sûr que le cafouillage dans Epernay se paye comptant. «L’intérêt du GPS !» penseront en souriant les aficionados de cet instrument ...

Samedi 31 janvier, second jour retour haut de page

Minuit 20, j’arrive à Langres. Première satisfaction car j’ai pu tenir un bon rythme et j’ai pu recharger ma batterie. Du côté de la gastro par contre, aucune amélioration et comme à cette heure, tout est fermé, c’est façon camping sauvage.
Une Alpine A110 rouge qui fait le plein manuellement, des Japonais qui rangent le coffre d’une Datsun 280Z, quelques autos et pilotes qui somnolent avant de repartir, le conducteur de la Ford Mustang qui cherche sur sa carte, la table de pointage, une photo de Marc Duez (copilote d’une Austin Healey 3000 MKIII), une vue d’ensemble du public, voilà à peu près tout ce qui rentre en mémoire au travers de mon objectif.


Pratique la façon d'ouvrir le capot et d'accéder au moteur sur cette rarissime Honda Civic RS venue du Japon. retour haut de page

01h00. J’ai trop mal au ventre. Je ne vois plus ce que je pourrais photographier d’autre. Il fait trop froid (pour moi) pour que je tente quelques exercices photographiques en pose longue avec le pied et comme je n’ai aucun intérêt à photographier les quelques 60 autos arrêtées (des badauds le font visiblement), je remonte en voiture.

01h10. Je décide de partir directement pour Beaune. Si tout va bien, il me faut 1h30 pour m’y rendre. Ce qui m’y amènerai à 03h00 maxi et me donnerait deux heures de repos. J’abandonne le passage par le CH de Vesoul où je souhaitais me rendre compte tenu de la jonction avec les concurrents partis d’Oslo : ma gastroentérite m’impose des arrêts trop fréquents et je dois parfois vraiment serrer les dents sous la douleur des contractions.
A la sortie de Langres, une Opel 1900 GT et une Talbot Sunbeam Lotus font le plein à la seule station non automatisée ouverte à cette heure. L’occasion d’une photo. C’est aussi la présence de toilettes bienvenues. Je prends un café pour me requinquer un peu. Il ne fait pourtant pas froid, juste -2°.

De Dijon à Beaune, la fatigue afflue par vagues régulières. Les routes sont totalement désertes. Il faut vraiment avoir envie de traverser ces contrées à cette époque de l’année !

03h10. J’arrive à Beaune. J’ai mis plus de temps que prévu, toujours à cause de mon état de santé. Le Parc des Expositions est désert mais son accès est parfaitement fléché. L’ASA Beaune commence à peine à planter le décor. Aucun concurrent n’est encore arrivé. Seuls quelques véhicules d'assistance sont garés et les mécaniciens tentent eux aussi de grappiller quelques dizaines de minutes de précieux sommeil.
Je décide d’essayer de dormir deux heures … si mes contractions stomacales veulent bien m’en laisser le loisir.

Je ne peux dormir vraiment qu’une heure. Passé 04h20, les tiraillements dus à mon estomac ont tranché menu mon maigre repos. Se sont rajoutés les bruits suite à l’arrivée de nouveaux véhicules d’assistance, des spectateurs puis des premiers concurrents parvenus dès 04h45.

05h15. J’essaye de faire quelques photos malgré mon handicap physique. Par expérience, je ne m’attends pas à des miracles.
Je me retrouve avec un petit pincement au cœur quand je croise les concurrents partis d’Oslo. Ils me reconnaissent. Nous échangeons quelques propos. Ils ont rencontré des conditions de route fort bonnes comparativement à l’édition 2007 (neige et glace sur les 3/4 des 2500 kilomètres). Ma première photo sera pour Thorbjorn Bye, très sympathique pilote d’une BMW 2000 Tii, mais aussi fort malchanceux après un abandon lors du CH de Vesoul en 2007 puis un abandon dans la première ZR en 2008, à chaque fois pour un problème mécanique mineur qui l’a mis hors délais.
Je retrouve aussi Henning Jorstad et Tinne Hallre au volant de la seule Alpine A100 1600 SX jaune du plateau depuis quatre éditions, un équipage qui est là pour la victoire et qui ne se départit jamais d’un sourire radieux. Ils sont d’ailleurs fort nombreux les équipages scandinaves qui jouent la gagne. Le vainqueur de l’édition 2000 et celui de 2004 sont d’ailleurs encore là, à attendre leurs heures de passage au CH de Beaune. Henning et Tinne sont administrateurs d'un site internet norvégien spécialisé en sport auto et grâce à mes photos diffusées sur leur site en 2006, j'avais pu avoir de nombreux clients en Scandinavie. Si j'avais pu partir d'Oslo cette année comme c'était initialement programmé, les deux tiers de mes recettes auraient été le fait de journaux et magazines scandinaves.
Depuis le départ d’Oslo en 2007, j’ai tissé de nombreux liens avec ces concurrents scandinaves. A l’époque, ils avaient été très honorés que des « journalistes européens » (sic) aient pris la peine de les suivre au départ d’Oslo. L’accueil à l’Hôtel de Ville de Copenhague en 2008 avait aussi été sympathique. J’espère qu’il en a été de même pour l’équipage japonais qui est parti de Reims cette année au volant d’une RX7 que Mazda avait accepté de sortir de son musée d’Hiroshima.

Lors d’un CH nocturne l’an passé, j’avais testé des prises de vues au niveau des gaz d’échappement des autos. Je retente l’expérience cette année. Le but est de créer une ambiance particulière. Comme à Reims, il faut bien sûr que le petit génie malin accepte de coopérer en faisant en sorte que les bourrasques de vent dirigent les volutes de fumée dans le sens souhaité. C’est par définition un grand nombre de photos prises pour une réussite très aléatoire. Parfois, ça fonctionne.


Exemple à f6.3 - 1.100e - ISO 400. retour haut de page

Je parviens après moult essais à avoir deux ou trois choses qui me satisfont. Il reste à voir sur l’ordinateur ce que cela donnera. A très basse vitesse, les gaz deviennent diffus, c'est encore plus sympa.
Comme à Langres, le flash est plus une contrainte qu’une aide à la photo. Les photos dont je suis satisfait sont au final celles prises sans lumière additionnelle et à basse vitesse (en dessous du 1/25e). Mais il me faut prendre plus de cent photos avant de pouvoir en garder quatre ou cinq correctes.

En 2007, un équipage monégasque s’était élancé d’Oslo au volant d’une Citroën 2CV. Cela frôlait l’exploit et avait particulièrement été applaudi par les Norvégiens. Cette année, c’est un équipage marseillais qui a choisi de s’élancer d’Oslo au volant d’un Vespa 400. Trois Vespa 400 avait participé au rallye de Monte-Carlo en 1959, engagées par l’usine. C’est à l’occasion de ce cinquantième anniversaire que cette auto a été engagée.
Une micro voiture de 1,21 mètre de largeur dotée d’un mini moteur : un bicylindre deux temps refroidi par air d’une cylindrée de 363 cc., d’une puissance de 12 cv et affichant un couple maxi de 2,1 mkg à 2100 t/mn. Il faut 25 secondes pour atteindre la vitesse maxi de 85 km/h. Venir d’Oslo à bord d’une telle auto représente donc un réel exploit. Je regrette d’autant de n’être par parti d’Oslo car j’aurai pu faire un reportage complet sur le périple de Christian Agostini et Pierre Delliere. Ce n’est pas tous les jours qu’une telle auto traverse l’Europe !

Erreur typique du débutant en photo : ma carte mémoire est pleine au moment du passage de l’Alpine norvégienne au CH!!! Je m’insulte, mais ça ne change rien : le temps de retourner à la voiture pour prendre mon sac à dos et glisser une nouvelle carte dans l’appareil, l’Alpine est déjà loin.
Il fait beaucoup moins froid que les années précédentes, mais la fatigue aidant, à 05h55, j’ai trop froid aux mains. Avant que le froid ne me condamne à l’inaction trop longtemps, je pars me réchauffer dans l’auto. Il ne fait pourtant que -4° dehors mais j’ai plus froid aux mains et aux pieds qu'avec un -13,5° sur les coups de deux heures du matin. Comme quoi, une bonne condition physique est essentielle dans une telle épreuve.
Je me réchauffe en visionnant mes prises et j’élimine déjà les ratées. J’attends les dernières autos parties de Reims en buvant un thé chaud (j’ai une bouilloire dans l’auto et tout ce qu’il faut pour préparer des boissons chaudes).

06h30. Je repars photographier. Il me semble que je me répète. Mes embarras gastriques me coupent toute créativité.
Côté créativité justement , il y a en sortie du parc deux photographes qui ne changent absolument pas de place. Ils en seraient d’ailleurs bien incapables puisque les flashes sont scotchés sur des pieds eux-mêmes fixés à des barrières. Ils photographient toujours de la même façon 160 minutes durant puisqu’il y a 160 voitures, à raison d’une par minute. Comment peut-on envisager la photo sous cet angle ? Cela me laisse fort dubitatif. Certes, il faut gagner sa vie. Mais la photo, c’est avant tout une forme d’art, de la création. Où est-elle la création dans ce cas-là ? J’imagine que ces deux personnes travaillent pour une organisation qui vend les photos aux concurrents. Sinon quel intérêt de prendre 160 autos de la même façon ? Sauf que les concurrents ont tous la même photo … Un peu uniforme comme façon de penser, je trouve. D’autant qu’à cet endroit, il est facile de prendre les 160 concurrents au moins d’une dizaine de façon différente et plutôt facilement puisqu’il y une minute à chaque fois pour faire la photo. D’un autre côté, je me dis qu’il faut de tout pour faire un monde … C’est quand même triste cette façon « industrielle » de photographier ! Le taylorisme appliqué à la photo en quelque sorte.


Un flash scotché à gauche, un autre à droite, 160 minutes durant. Au secours ! Taylor était à Beaune !

07h00. Je pars me réchauffer à nouveau à la voiture et aussi à la recherche de toilettes. Les crampes d’estomac me paraissent de plus en plus violentes. A moins que je les supporte de moins en moins.
Je repars au boulot une demi-heure plus tard. Avec le soleil qui se lève, je tente d’autres choses, avec toujours des temps de pose assez longs, du 1/5e au 1/10e de seconde. Ce n’est à priori pas complètement raté. Je ne sais cependant plus quoi inventer comme cadrage … J’ai l’impression de saturer intellectuellement et le mal au ventre altère totalement mon dynamisme. De façon incompréhensible, j’ai froid aux pieds. Je remonte me réchauffer dans l’auto. Les derniers concurrents partent.
Dans mon planning de route, j’ai prévu de faire la route jusqu’à Monaco avec les quinze derniers concurrents. En effet, les concurrents partis de Reims sont les derniers à pointer à Monaco, dans une douzaine d’heures. Je ne peux pas, en étant à Beaune à 07h30, arriver à Monaco en même temps que les premiers concurrents, partis de Turin et qui atteindront le parc fermé dès 15h00. Vu la distance, en partant de Beaune à 07h30, je peux espérer remonter au fil des CP et des CH une soixantaine de concurrents, ce qui me donnerait déjà pas mal d’images dans la première ZR dans l’arrière-pays niçois. Mais voilà, je suis forcé de reconnaître que la gastroentérite est trop dérangeante pour espérer conduire encore plus de 600 kilomètres …
Fort triste, j’opte donc pour la solution de la raison. C’est-à-dire que je rejoins un hôtel à Valence et j’essaye d’avoir une vraie nuit réparatrice pour repartir sur un bon pied le dimanche matin. Valence est à 260 km, je peux espérer, même avec de multiples arrêts y être pour midi. C’est pourtant presque les larmes dans les yeux que je décide de quitter là la route du rallye. C’est la première fois depuis trois ans que j’abandonne ainsi un reportage, mais continuer à conduire avec de telles crampes n’est déjà plus raisonnable depuis mon départ de Reims. Déjà en 2006, j’avais dû renoncer au terme de la 9ème ZR pour cause de fatigue trop intense. J’en avais été cependant beaucoup moins affecté dans la mesure où c’était la première fois que je couvrais l’épreuve et que j’en avais tellement pris plein les yeux que cela en était déjà du pur bonheur, l’épreuve s’étant déroulé quasi totalement sur la neige.

Il me faudra plus de trente minutes de route avant d’arriver à me réchauffer les pieds. L'option de rejoindre Valence apparaît vite comme le meilleur choix que je pouvais faire. A 08h40, je n’arrive plus du tout à conduire et je choisis de m’arrêter pour dormir au milieu d’une splendide campagne couverte de givre (il fait -2,5°). Mais je suis si fatigué que je n’arrive même pas à shooter sur ce magnifique terrain de jeu, si ce n’est une unique photo à travers le pare-brise !

09h30. Je me réveille, toujours du fait de mon estomac. Je n’aurai effectivement pas été très loin si j’avais suivi les concurrents !

09h50. J’arrive à Mâcon. Je profite de la présence d’un McDonald’s pour manger un peu, aller aux toilettes et aussi me connecter à l'internet. J’ai appris que l’accès WiFi y est gratuit et illimité. Ne pouvant réaliser mon reportage comme je l’ai projeté, je désire pouvoir adresser à mes clients quelques premières photos au plus vite. A défaut qu’il soit complet, qu’il soit au moins rapidement livré !
Je sauvegarde et trie donc mes photos. J’en ai déjà près de 900. Une première lecture réduit le nombre à 600. Je trouve que j’ai pas mal de choses correctes. J’arrive à sélectionner une dizaine de photos que j’adresse à l’Automobile Club de Monaco et que je place sur mon serveur. Mes clients disposent d’un code d’accès qui leur permet de choisir une ou plusieurs photos et de télécharger le fichier en grande résolution pour impression en presse écrite.
Je profite aussi de cette halte pour annuler mon hôtel de Nice et en réserver un à Valence. Catastrophe : tout est complet. Je finis par trouver une chambre disponible au Formule 1 de Bourg-lès-Valence. Ce type d’hôtel n’est pas l’idéal pour se requinquer, mais comme je n’ai rien trouvé d’autre …
Je repars de Mâcon à midi, non sans être allé quatre fois aux toilettes. Je ne comprends pas pourquoi les médicaments ne font pas d’effet plus rapidement. Mon médecin m’a prescrit de l’Imodium contre les diarrhées (sans effet depuis près de 36 heures), du GES45 contre la déshydratation, et du Buscopan contre les crampes, lui aussi sans effet depuis 36 heures. Cela en est désespérant !
Midi, c’est l’heure à laquelle je pensais être à Valence. Il me reste encore 170 km ! J’ai cependant la satisfaction d’avoir au moins livré une (petite) partie de mon travail. C’est un progrès par rapport aux éditions précédentes où je n’avais pu livrer mes premiers travaux qu’après 48 heures.

Nouvelle attaque de fatigue à 12h55. Je profite d’une station-service pour une nouvelle halte et aussi faire le plein puisque j’ai déjà près de 700 km à mon actif depuis la veille au soir. Les Français ne sont pas égaux devant le prix de l’essence : ici, c’est dix cents de plus qu’à Soissons ! Le médicament contre les crampes semble toujours totalement inefficace, c’est à en pleurer.
Ce n’est pas parce que je descends (vers le Sud) que ça roule tout seul. A 13h45, le soleil au zénith entraîne un nouveau coup de barre. J’essaye de dormir mais mon estomac en décide autrement.
A 14h35, je dois à nouveau stopper à Saint-Vallier dans la Drôme. Je choisis de vérifier la pression des pneus neige qui n’ont pas roulé depuis qu’ils ont été achetés en janvier 2008. Les prévisions météorologiques annoncent en effet des pluies dans le bas du couloir rhodanien et des possibilités de neige le dimanche ou le lundi du côté des hauteurs de Valence. J’en profite aussi pour compléter le plein du réservoir de manière à ne pas avoir à gérer l’essence lors de l’étape du lendemain dans le Vercors. Je dois en effet me comporter comme les concurrents, c’est-à-dire ne jamais attendre le dernier moment pour faire le plein et toujours profiter des occasions offertes. Ici aussi l ’essence n’est pas moins chère qu’à Mâcon.

A 15h15, j’arrive enfin au Formule 1 de Bourg-lès-Valence. Je pensais travailler un peu dans la chambre mais le WiFi est facturé 4,50 € la première heure, puis 3 € l’heure suivante et ainsi de suite de façon dégressive. Comme mes crampes d’estomac m’empêchent d’envisager de dormir, je descends au McDonald’s tout proche pour y travailler puisque le WiFi y est gratuit. Pas de chance : un anniversaire d’enfants y est organisé et il n’y a pas une place de libre. Je retourne à l’hôtel pour prendre une douche, je trie quelques photos et n’arrivant toujours pas à dormir plus de cinq minutes d’affilée, je retourne au McDonald’s pour placer de nouvelles photos sur mon serveur. Le WiFi y est d’une lenteur exaspérante. Je ne termine qu’à 19h00. Je pars me recoucher. La fatigue arrive enfin à prendre le dessus sur les crampes d’estomac. Je mesure à quel point l’option « dormir à Valence » avait été judicieusement choisie en début de matinée : je ne serai jamais arrivé à Monaco !

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